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Comment bien se préparer à la publication

Fév 8, 2021 | Édition et publication, Témoignages

Une fois leur premier manuscrit complété, les écrivains font ensuite face à un tout nouveau défi : celui de la publication. Le processus qui mène à la création d’un livre imprimé est bien souvent une totale découverte pour ces derniers, qui ont de nombreuses questions concernant la manière de bien s’y préparer.

À l’occasion de la sortie de notre Guide de la planification financière, nous nous sommes entretenus avec Nancy Mbatika, une auteure de la communauté BouquinBec dont le livre a connu un grand succès populaire. Son parcours unique lui a permis d’en apprendre beaucoup sur les différentes facettes du monde de l’édition ; elle a accepté de nous partager son expérience dans cette entrevue.

Nancy, pourriez-vous vous présenter en quelques phrases ?

Je suis l’auteure de Chroniques d’une femme en or: votre histoire et Chroniques
d’un homme en or: votre histoire. Il s’agit de livres de questions dans lesquels on
répond directement pour transmettre ses souvenirs. Les deux livres ont été
autopubliés respectivement en 2015 et 2016 puis réédités aux Éditions AdA en
2018. Depuis 2015 je suis travailleuse autonome; j’offre des conférences sur
l’importance de léguer son histoire et les façons de le faire. J’anime aussi l’atelier
Réminiscence et écriture auprès des aînés.

Nancy, vous avez lu notre nouveau Guide de la planification financière. Qu’en pensez-vous ?

Je le trouve bien fait, surtout très concret. Je peux vous dire que si j’avais eu tous ces éléments quand je me suis lancée, je me serais épargnée bien des problèmes. C’est un très bon outil de travail.

Comment vous étiez-vous préparée à l’époque, en 2015 ?

J’ai suivi la formation Lancement d’entreprise du SAJE, devenue depuis l’École des entrepreneurs du Québec. Cette formation est faite pour ceux qui veulent vivre de leur art. Je me suis inscrite car je n’étais pas du tout à l’aise avec les questions d’argent. J’ai appris à faire un plan d’affaires : comment définir son public cible, comment l’atteindre et combien ça peut coûter de le rejoindre, prévoir toutes ses recettes et ses dépenses, établir un plan de trésorerie, comment fixer son calendrier. C’est très utile, mais la théorie quand vous n’avez pas d’expérience, comme c’était mon cas à l’époque, n’est pas toujours simple à mettre en application.

On ne comprend pas toujours l’utilité de chaque élément. La réalité se chargera de vous l’apprendre, ce qui est parfois douloureux. C’est de cette façon que j’ai appris pourquoi il fallait construire un plan d’affaires rigoureux.

Quel est le paramètre le plus important dans un plan d’affaires ?

Indiscutablement c’est le calendrier. Il y a des moments clés et il ne faut surtout pas les manquer : vu le thème de mon livre, c’était bien évidemment Noël et la fête des mères. Mais c’est plus compliqué que ce que vous imaginez au départ. Par exemple, lorsque vous voulez communiquer avec la presse, vous devez anticiper de quatre ou même six mois. Je n’exagère pas. Une planification c’est aussi beaucoup de détails, ça demande de construire une stratégie assez complexe en fait. C’est d’ailleurs le passage que j’ai préféré dans votre guide. Vous l’expliquez très bien.

Comment définiriez-vous l’autoédition ?

J’ai l’habitude de dire que c’est un métier dans lequel on porte tous les chapeaux à la fois ou bien tous les costumes : vous devez avoir la robe de soirée pour votre lancement, le costume d’entrepreneure pour discuter avec vos fournisseurs, la tenue d’écrivaine pour aller dans les salons du livre et puis le jogging pour faire les livraisons, etc. Il ne faut pas l’oublier celui-là. Il faut être prêt à assumer toutes les tâches.

Vous allez devenir un travailleur indépendant, avec ce côté très terre à terre qu’il ne faut jamais quitter. Je peux dire qu’en tant qu’auteure débutante, certains aspects me plaisaient moins. Notamment de réseauter pour faire mon pitch de vente ; ce n’était pas mon point fort mais ça s’apprend.

Puisque ce guide parle de finances, comment avez-vous fait pour financer votre projet d’autoédition ?

Lorsque j’ai voulu lancer mon projet, je n’avais pas un sou de côté. J’étais en arrêt maladie et les fins de mois étaient un peu difficiles. Lorsque j’ai fait mes premiers calculs, même si je m’étais fixé un budget serré, je me suis rendue compte que les dépenses étaient plus élevées que je ne le pensais. J’étais un peu désespérée. Puis, comme ça arrive souvent dans la vie, j’en ai parlé autour de moi et c’est en fait ma graphiste qui m’a suggéré l’idée de consulter mon entourage pour savoir s’ils étaient prêts à commander mon livre avant qu’il soit imprimé et quel prix ils accepteraient de payer. Je n’avais pas la moindre idée de ce qu’était le socio-financement, mais c’était ça que je venais d’inventer. Ca peut faire sourire, mais il y a cinq ans ce n’était vraiment pas courant de faire comme ça.

Et les gens vous ont suivi ?

Oui, au départ ils trouvaient que 50 $ c’était un peu cher, mais j’ai réussi à leur faire comprendre qu’ils payaient l’exclusivité du premier tirage et j’ai ajouté un petit cadeau pour les remercier de leur confiance. Ils m’ont donc commandé et payé les cent cinquante premiers livres avant que je ne les fasse imprimer par BouquinBec. Les deux avantages de la solution sont : j’avais l’argent pour financer la production et je savais exactement de combien de livres j’avais besoin. Ça limitait mes risques. C’est une très bonne façon de se lancer, vous savez, mais avec l’expérience que j’ai aujourd’hui je m’appuierais sur une vraie plateforme de socio-financement pour rejoindre tout de suite une audience plus large.

Comment avez-vous fixé votre prix de vente ?

Comme beaucoup d’auteurs, je ne pensais qu’à vendre mon livre. C’était ça mon seul objectif, pas de faire de l’argent. Les auteurs débutants sont souvent trop naïfs. J’ai été naïve. A nouveau, lorsque j’ai voulu placer mon livre chez les libraires, je n’ai pas pensé à moi. J’ai cru que c’était un privilège qu’ils acceptent de prendre mon livre en dépôt. Alors, lorsque Renaud-Bray m’a dit qu’il fallait ramener le prix à 39 $ alors que je savais qu’il me fallait 49 $ pour m’en sortir, je n’ai pas discuté. Ça m’a demandé plus de temps pour rentrer dans mon argent. Mais je l’assume finalement très bien, comme un coût de promotion car c’est comme ça que mon livre a décollé. Je m’en suis bien sortie.

Quelques mois plus tard, mon livre faisait partie des coups de cœur du libraire. Ce qui est incroyable, c’est que quelques mois plus tôt l’une de mes amies, m’avait dit : « Imagine un peu que ton livre ait le petit sceau Coup de cœur de Renaud-Bray !».

Quel serait le meilleur conseil que vous pourriez donner aux auteurs ?

N’imprimez surtout pas trop de livres. A un moment, je vendais tellement de livres, que la solution BouquinBec n’était plus suffisante. Alors j’ai consulté des imprimeurs grands tirages. BouquinBec m’avait bien dit de ne pas imprimer trop de livres à la fois. Mais quand les libraires m’ont réclamé de grosses quantités pour mon nouveau livre (Un homme en or) et qu’un imprimeur m’a annoncé qu’il fallait que j’en imprime au moins 1 500 exemplaires pour qu’il prenne ma commande, je me suis sentie obligée de prendre le risque. Et j’ai retenu mon souffle pendant un an. C’est très long !

Pourquoi avez-vous finalement signé avec une maison d’édition alors que vous aviez acquis une forme d’indépendance ?

En fait, je vendais assez de livres pour en vivre, mais la gestion de trésorerie était trop difficile. Les libraires me demandaient une période de six mois de mise en vente, puis ils faisaient les comptes et me réglaient trois mois plus tard. Je n’avais pas une assise financière suffisante pour juguler ce décalage de près de dix mois entre la commande chez l’imprimeur et mes recettes.

Qu’est-ce que vous a apporté le fait d’être publiée par un éditeur ?

C’était la réalisation d’un rêve. J’avais eu plus de soixante refus avant de me lancer en autoédition. D’un seul coup, les portes d’un monde très fermé s’ouvraient. Mes livres ont pu être mis en vente dans les grandes surfaces telles Cosco, Walmart et Jean Coutu. Être publiée par un éditeur m’a permis d’être distribuée dans la francophonie notamment en Europe et dans certains pays d’Afrique de l’Ouest. J’en suis fière.

Y a-t-il un revers à cette médaille ?

Disons que ça ne s’est pas tout à fait passé comme je le pensais. Lorsque c’est moi qui vendais mes livres, j’étais en contrôle de ma promotion, je suivais moi-même les chiffres. J’ai perdu toute forme de contrôle. L’UNEQ explique par exemple dans ses formations qu’il faut faire bien attention aux zones grises de la promotion. Si je n’avais pas connu l’autoédition avant, j’aurais peut-être trouvé tout ça normal. Mais avec l’expérience que j’ai acquise grâce à l’autoédition, je sais ce qu’est la promotion : des séances de signature, imprimer des signets et des affiches, faire de la publicité dans les magazines, démarcher les radios, etc.

Aujourd’hui j’ai l’impression qu’il ne se passe plus rien. Ou plus exactement, je ne sais plus du tout ce qui se passe. C’est une véritable frustration pour moi. La réalité de l’édition est parfois étonnante et ne correspond pas vraiment au conte de fées auquel les auteurs débutants peuvent rêver. Disons pour conclure qu’il y a eu un certain décalage avec mes attentes.

Quelle est votre conclusion après toute cette aventure ?

Comme je n’avais pas d’expérience c’est mon grain de folie qui m’a donné l’élan. Parfois j’ai été bien inspirée, parfois moins. En affaires, la confiance aveugle ça ne mène pas très loin. J’ai eu la chance d’avoir trouvé à côté du livre d’autres façons de gagner ma vie avec les conférences et les ateliers. Il faut une bonne dose de confiance en soi pour se lancer en affaires et il se trouve que ça a bien fonctionné pour moi, mais avec l’expérience je ferais sans doute les choses assez différemment, pour laisser moins de place au hasard.

Quoi par exemple ?

Je lirais tous les guides de BouquinBec. Si, si ! Et je mettrais en application une bonne partie de leurs conseils. Ils voient juste. Après avoir accompagné autant d’auteurs, ils ont accumulé une belle expérience. Leur réputation de sérieux est méritée. Disposer d’autant d’informations pour un auteur qui débute, c’est une aide incomparable.

Et votre prochain livre, vous le publierez comment ?

En autoédition, il n’y a aucun doute là-dessus.

Merci Nancy !

La version complète de cette entrevue se trouve dans notre Guide de la planification financière.

Pour découvrir tous les guides que nous avons spécialement rédigés pour accompagner les auteurs dans l’aventure de la publication, rendez-vous dans notre section Ressources.

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