Lors de tout processus de publication, la révision est une étape cruciale qui demande une grande vigilance et une certaine patience.
Pour bien couvrir ce sujet important, nous vous avons présenté dans des articles précédents les 5 points-clés de la révision linguistique, ainsi que certaines de ses subtilités et la manière dont le style de l’auteur est préservé lors de son déroulement.
Découvrez à présent dans ce quatrième et dernier article de notre série en quoi la révision peut réellement être considérée comme un cheminement que les réviseurs et les auteurs entreprennent ensemble, pour publier les manuscrits de manière professionnelle. Nous avons évoqué cette thématique avec deux réviseures de notre équipe, qui nous ont donné leurs points de vue.
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Entrevue #1 : Isabelle Navarro
A l’exemple de ses parents qui avaient organisé leur maison autour de leur bibliothèque, Isabelle a toujours été une grande lectrice. Pendant toute sa jeunesse, elle a oscillé entre ses dons scientifiques et son amour profond pour la littérature.

Puis lors de son arrivée au Québec, début 2016, elle a décidé de changer de cap et de bâtir sa nouvelle vie autour de deux de ses passions que sont la lecture et l’écriture. Appliquant pour ce faire des méthodes très scientifiques, Isabelle a d’abord conduit successivement plusieurs expériences de révision. Puis progressivement, par petites touches, remarquant à chaque nouvelle œuvre son intérêt grandir pour cette activité, elle a décidé d’écouter son cœur et de dire oui à la littérature.
Qu’est-ce qui vous intéresse le plus dans votre travail de révision ?
Découvrir la personnalité de l’auteur à travers ses mots. Chaque nouveau livre est une nouvelle aventure pour moi. Plus j’avance dans la lecture d’un manuscrit, plus la personnalité de l’auteur transparait à travers son texte, à travers ses personnages.
Malgré ma position de réviseure, la grande lectrice que je suis ne peut, par moments, s’empêcher de réagir à des situations, des répliques et d’ajouter, à l’intérieur même de mon travail de révision, des commentaires personnels, sortes de petits clins d’œil. En plus d’apporter un peu d’humanité dans une activité qui pourrait, pour certains paraître ennuyante, je me suis aperçue que ces remarques renforçaient mes relations et amélioraient ma collaboration avec les auteurs. Ces derniers les apprécient et me le disent. D’ailleurs, je ne sais pas s’il y a un lien direct, mais la plupart de ceux avec qui j’ai travaillé sont toujours en relation avec moi. Nous continuons à nous écrire régulièrement.
Concrètement, comment définiriez-vous votre rôle ?
Accompagner l’auteur dans son parcours (désir) de publication, avec tout ce que cela implique d’un point de vue psychologique. Il faut dire que l’auteur et moi-même accomplissons tout un chemin ensemble. C’est comme un voyage au cours duquel nous apprenons, nous grandissons, l’un et l’autre, l’un par l’autre. Non seulement j’aime ça, mais je dirais que chercher des solutions pour améliorer le texte de l’auteur, tout en respectant ses intentions et son style, est quelque chose qui m’intéresse particulièrement. C’est un exercice de style (justement) que j’apprécie énormément. Il y a peu une auteure m’a dit qu’en lisant mes commentaires, elle avait eu l’impression que j’avais mieux traduit ce qu’elle avait voulu dire.

Quoi qu’il en soit, à la fin, ce sont des propositions que je fais et l’auteur les acceptera ou pas. C’est toujours lui qui reste le maître d’œuvre et qui décide en dernier recours. Il ne s’agit surtout pas de dénaturer son texte.
Quand on vous écoute, on comprend que vous aimez passionnément ce que vous faites.
Oui, j’aime ce que je fais. J’aime les auteurs, j’aime découvrir leur univers ; et aussi j’aime la langue française, lire et écrire. Pour moi, la révision est donc une activité idéale qui combine tout ça.
Vous ne seriez pas un peu perfectionniste ?
Quand je relis un manuscrit, je ne peux pas m’empêcher de vérifier si une citation faite par l’auteur est exacte, ou bien de me renseigner sur le personnage historique qu’il cite. Ce n’est pas pour vérifier, ce n’est pas juste par principe, parce que je suis la réviseuse, parce que je ne fais pas confiance. C’est parce que cela m’aide à comprendre la démarche de l’auteur, ses objectifs.
Si je ne le faisais pas, il me semble que je passerais à côté de quelque chose. Vous savez un livre, ce sont plein de petites pièces et il est vraiment réussi quand tous les morceaux du puzzle s’emboîtent parfaitement.

Comment travaillez-vous avec les auteurs ?
Mon principe de base, afin de fournir aux auteurs ce qui, à mon sens, est un travail de qualité, compris et accepté, est de justifier toutes mes propositions. À ce propos, un auteur m’a dit un jour : « C’est la première fois que je comprends les corrections demandées par un réviseur. » Ce qui, vous vous en doutez, a renforcé ma conviction.
J’explique, par exemple, pourquoi je propose de changer la préposition associée à un verbe, pourquoi je propose de changer un mot pour un autre, ou bien encore pourquoi je propose d’intervertir l’ordre des mots dans une phrase. La plupart du temps, c’est pour que la lecture soit plus fluide. Pour cela, je lis à haute voix.

Cette façon de procéder vient de mon expérience de bénévolat auprès de l’association Vues et Voix, association qui produit des livres audio adaptés aux personnes qui ont une déficience visuelle, perceptuelle ou des troubles d’apprentissage.
Pouvez-vous préciser ce que vous faisiez exactement chez Vues et Voix ?
J’enregistrais la bande-son du livre audio et vérifiais que le lecteur ne commette pas d’erreurs, en particulier de prononciation, de mots. Cette expérience m’a énormément appris, notamment à identifier des passages qui pourraient ne pas être clairs car les termes les composant pouvaient, à l’oral, être difficilement différenciables, par exemple « il pense » et « ils pensent ». La lecture à voix haute permet parfois de révéler des ambiguïtés. Elle permet aussi de mieux appréhender la ponctuation. On perçoit mieux ses nuances à l’oral. C’est comme ça que je suis devenue une « fanatique » du point-virgule, petit signe, plutôt délaissé de nos jours. Principalement utilisé pour séparer des propositions indépendantes dans une phrase, il permet aussi, dans la lecture, de faire une pause un peu plus longue qu’avec une virgule et, par conséquent, de mieux faire respirer une phrase.
Quel conseil donneriez-vous aux auteurs ?
Celui d’apprendre, d’enrichir leur vocabulaire, de travailler leur style. Je peux vous donner un exemple vécu avec une auteure. Je lui avais fait remarquer lors de la révision de son premier livre que son vocabulaire manquait de richesse. Eh bien, je peux vous dire que c’est un problème qu’elle avait définitivement réglé lorsqu’elle a rédigé son deuxième livre ; elle y avait considérablement élargi son registre. Ce fut une belle récompense pour moi.
Vous souhaitez en apprendre plus ?
Retrouvez la liste complète des conseils de rédaction d’Isabelle !
Que pensez-vous de l’autoédition ?
C’est vraiment bien car l’auteur peut publier exactement le livre qu’il souhaite et ça me permet aussi de faire du sur-mesure. Je n’aime pas tout ce qui ressemble à une forme de standardisation, en tout cas dans le monde de la créativité. Avec l’autoédition, on peut sortir des sentiers battus. On n’est jamais prisonnier d’une collection ou d’une ligne éditoriale. On peut même déroger à certaines règles si l’auteur le souhaite, comme celle d’insérer des illustrations dans un roman. Vous ne verrez pas cela chez les éditeurs de renom ! Pourquoi pas si ça reste cohérent, si ça aide le lecteur à mieux entrer dans l’histoire ?
J’ai découvert récemment le livre Le gardien de la norme du célèbre réviseur québécois Jean-Pierre Leroux dans lequel la première partie est consacrée à sa définition du métier de réviseur. J’ai vraiment aimé car j’étais en ligne avec tout ce qu’il affirmait.
Il a écrit : « Le métier de réviseur linguistique est technique, il requiert moins de créativité que d’habilité, il exige le réflexe de douter, la patience de chercher, celle aussi grande de se relire, et, coiffant le tout, l’amour de la langue. »

Entrevue #2 : Carine Paradis
À l’école, Carine voulait devenir professeur de français pour corriger les copies des élèves, pour repérer leurs fautes d’orthographe. Puis, elle a obtenu un DEC en Arts et lettres au Cégep Édouard-Montpetit et un baccalauréat en Études littéraires à l’UQAM. Nourrissant le projet de devenir elle-même écrivaine, elle a poursuivi sa formation avec un certificat en Création littéraire.
Elle a fait ses premières armes dans une maison d’édition en tant que correctrice d’épreuves. C’est là qu’elle a tout appris sur le métier de réviseure linguistique. Carine a également accompagné de nombreux auteurs de romans québécois à la direction littéraire.

En premier lieu, j’aime que le document à réviser soit clair. Je le débarrasse du superflu : retours de chariot inutiles, fioritures de mise en pages, etc., pour ne conserver que le texte.
Puis, selon le genre littéraire du manuscrit à réviser, je m’assure de sa « constance ». Si c’est un roman, je vérifie que tous les chapitres sont présentés de la même façon, que les dialogues sont identifiés de la bonne manière. Si ce n’est pas un roman, je vérifie aussi les sous-titres, les citations, l’utilisation des encadrés, etc.

Le premier point, c’est ma mission d’accompagnement. Chaque auteur a ses inquiétudes. Il est bien important pour moi de lui faire comprendre que mon rôle ne se limite pas à celui du professeur qui corrige ses fautes d’orthographe. Je suis aussi là pour le rassurer et lui suggérer des reformulations, pour souligner des incohérences dans son histoire ou dans la présentation de son texte, pour lui poser des questions lorsque je trouve qu’un passage n’est pas clair.
Le deuxième point, c’est le travail du style. Je remarque souvent qu’il y a des auteurs qui ont tendance à vouloir « tenir la main » de leur lecteur alors que ça alourdit la lecture de manière inutile. Ainsi, « il prit la pomme, la mena à sa bouche et mordit dedans avec force avant de quitter la pièce en claquant la porte » pourrait s’écrire plus simplement « il mordit avec force dans une pomme avant de quitter la pièce en claquant la porte » sans que rien n’ait été perdu. Je suis là pour suggérer une réécriture de ce genre de passages, pour que le lecteur ne se tanne pas de trop longues descriptions ou de répétitions. Attention toutefois, je ne réécris pas le texte de l’auteur ; mes modifications sont des suggestions, à suivre ou pas. J’en discute de toute façon avec l’auteur.
Enfin, la cohérence du manuscrit est très importante. Si le personnage principal change de nom en cours de lecture, ce n’est généralement pas normal. Il s’agit souvent d’un petit problème de copié/collé. C’est mon travail de le voir et de le rectifier. Même chose lorsque les chapitres sont présentés comme « chapitre X » tout au long du texte sauf pour les trois derniers, qui pour une raison inconnue sont présentés comme « xième chapitre ». Je m’assure que les mots écrits avec une majuscule le sont tout au long du texte (par exemple : Univers, Monde, Divine providence, etc.), que les surnoms sont toujours écrits de la même façon (par exemple, Cath ne devient pas Cat), que les sous-sections du texte sont visuellement semblables, etc.
Comment définiriez-vous votre travail ?
Le travail d’un réviseur linguistique consiste à se plonger dans le texte pour y dénicher les erreurs et les incohérences. Je ne suis pas toujours le lecteur cible et je dois le faire avec objectivité.
Un réviseur doit aussi tenir le rôle de conseiller auprès de l’auteur, pour lui suggérer des modifications qui amélioreront son texte et le rendront plus agréable à lire. Le réviseur doit avoir ce regard impartial qui se pose sur le texte de l’auteur et qui en fera la meilleure œuvre possible.

Qu’est-ce que vous préférez dans la révision ?
Je suis accro à la chasse aux fautes d’orthographe, de syntaxe et de ponctuation, alors même si un texte en est rempli, je ne me dirai jamais que l’auteur ne « sait pas bien écrire ». Le style, ça se travaille. J’ai d’ailleurs lu de merveilleux manuscrits qui comptaient de nombreuses fautes. C’est justement mon rôle de faire ressortir le côté merveilleux de chaque texte en l’épurant de toutes ses erreurs.
Quel conseil donneriez-vous aux auteurs ?
N’ayez jamais peur de poser des questions. Ne vous dites jamais que votre texte « n’est pas encore assez bien ». Sentez-vous à l’aise aussi de « discuter » une modification suggérée par votre réviseur(e) ; c’est votre texte après tout. Alors, dialoguez avec lui(elle) pour comprendre sa façon de faire. Demandez-lui des conseils ; il(elle) est là pour ça !

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