";s:21:"divi_integration_body";s:1562:"

Le style des auteurs et la révision linguistique

Mar 12, 2021 | Édition et publication, Inspiration et écriture

Parmi les questions les plus fréquentes que les auteurs nous posent au sujet du processus de publication, nombreuses sont celles qui concernent les modifications qui seront apportées à leur texte lors de la révision linguistique.

Après vous avoir présenté dans des articles précédents les 5 points-clés de la révision linguistique ainsi que certaines des subtilités de ce travail essentiel, découvrez à présent comment les professionnels de la révision prennent toujours soin d’enrichir les manuscrits qui leur sont confiés tout en préservant le style personnel de l’auteur. Nous avons abordé le sujet avec deux réviseures de notre équipe, qui nous ont donné leurs points de vue.

Vicky Winkler est titulaire d’un diplôme en géographie qu’elle a enseignée pendant plusieurs années. Mais son attirance particulière pour la littérature et l’écriture l’a orientée différemment. Dès l’année 2000, elle se tourne vers la révision linguistique ; elle a par ailleurs publié, en 2017 et 2019, les deux tomes d’un livre intitulé Les tribulations d’une babyboumeuse, distribué par Hachette Canada.

Concernant son travail avec les auteurs, c’est la découverte de nouveaux textes et de nouveaux univers qu’elle apprécie le plus, au travers des manuscrits proposés et des rencontres avec des personnalités fortes.

La reconnaissance des auteurs est-elle votre plus grande récompense ?

Oui, ce n’est pas quelque chose que je recherche quand je commence mon travail. Mais quand cela se termine comme ça, c’est un bel accomplissement. En fait, quand on entame cette aventure avec un auteur, on ne sait jamais exactement jusqu’où on va se rendre. Cette dimension du voyage à travers les mots m’apporte beaucoup de plaisir.

Pourriez-vous nous dire pourquoi un auteur doit prendre du recul sur son manuscrit ?

Il est en effet primordial que l’auteur trouve, sur son chemin, une personne objective qui lui fera part de critiques constructives. C’est pour cela, comme je le dis souvent, qu’il ne faut pas faire corriger son livre par la tante Ursule ! Vous savez celle qui est soi-disant prof. de français ! Une personne que vous connaissez n’osera pas forcément vous dire que vous devriez développer tel ou tel passage qui lui semble incomplet, ou bien qu’elle s’est ennuyée dans un autre qu’il faudrait réduire. Il est toujours très difficile, pour un l’auteur, de supprimer un paragraphe. Tout lui semble indispensable.

En tant que réviseure, si je m’ennuie en lisant un chapitre, je le dirai à l’auteur. Je pense que c’est son intérêt, car il en sera de même avec les lecteurs.

Lorsque j’ai écrit mon propre livre, j’ai eu la chance de travailler avec une réviseure qui était également écrivaine. Et ça m’a beaucoup aidée, même si elle m’a parfois un peu bousculée. J’ai conservé la même trajectoire, mais elle m’a poussée à faire mieux. À la fin, mon livre était vraiment meilleur.

Y aurait-il un autre conseil que vous pourriez donner aux auteurs ?

Oui, de laisser reposer leur manuscrit pendant, au minimum, un mois avant de le retravailler. L’idéal, à mon avis, c’est même de le faire deux fois. C’est très difficile pour un auteur, car il est toujours pressé de voir la naissance de son œuvre. Mais lorsqu’il se remettra au travail, il constatera qu’il aura retrouvé une fraîcheur d’esprit et un œil neuf, lui permettant davantage d’objectivité à l’égard de son texte.

Et si nous parlions un peu du style ? Je crois que c’est un sujet qui vous tient à cœur.

On peut commencer par parler des règles de base. Il faut absolument éviter tout ce qui ennuie le lecteur, à commencer par l’utilisation excessive des auxiliaires être et avoir, ainsi que du verbe faire qui rendent le texte banal. Beaucoup d’autres verbes peuvent avantageusement les remplacer. Les répétitions sont les pires ennemies des auteurs. Je leur conseille d’utiliser un dictionnaire de synonymes. On en trouve facilement sur internet.

Il faut également éviter les lourdeurs. Je vais vous donner un exemple. « Il y a des personnes qui se grattent le nez dix fois par jour. » Vous pourriez tout simplement écrire : « Certaines personnes se grattent le nez dix fois par jour. » C’est plus élégant, plus léger, plus simple, plus fluide et c’est un cadeau que vous faites à votre lecteur.

Enfin, je tiens à vous révéler un dernier petit secret. Un texte se lit mais il s’entend aussi. Vous savez que Flaubert déclamait tous les soirs ce qu’il avait écrit dans la journée. Ce n’est pas pour rien ! Certains détails accrochent et on ne les remarque qu’en les lisant à haute voix.

Comment aidez-vous un auteur à travailler son style ?

Un bon réviseur doit être souple. Je m’adapte toujours au style de l’auteur. Je cherche à améliorer son texte sans trahir son intention. Mon rôle est de l’aider, pas de réécrire le livre. C’est un équilibre assez difficile, mais j’aime beaucoup cet exercice.

En fait, il s’agit souvent d’adapter le ton et le vocabulaire au contexte décrit par l’auteur. Je vais encore vous donner un exemple. Si vous avez un dialogue, il faut faire attention que le vocabulaire et la syntaxe correspondent au personnage. Un voyou aura un vocabulaire particulier, voire vulgaire et ne respectera pas les négations. Il ne parlera pas comme un avocat. Un Gaspésien ne s’exprimera pas non plus comme un Montréalais et inversement. C’est souvent pour des détails comme cela qu’un texte sonne plus ou moins juste. J’aime ce travail de précision. J’accorde beaucoup d’importance à ce type de détails et à l’adaptation que cela demande.

Enfin, la structure d’un texte est très importante, c’est l’enchaînement des idées. Il faut à tout prix éviter de donner au lecteur une impression de « déjà vu-déjà dit » qui lasse très vite le lecteur Les enchaînements doivent être fluides et paraître naturels. Quelquefois, il suffit de déplacer un paragraphe sans rien écrire de plus, pour que tout fonctionne mieux. On en revient à la question de la prise de recul sur le texte. Si ce n’est pas déjà fait par l’auteur, le (la) réviseur(e) devra attirer l’attention de l’auteur dessus.

Christine Rebours est titulaire d’une maîtrise en histoire médiévale obtenue en France et d’un certificat en gestion de l’information numérique de l’Université de Montréal. En France, elle a été secrétaire de rédaction pour une revue de sciences humaines. Puis, à Montréal, après un passage de deux ans dans une maison d’édition scolaire, elle est devenue assistante éditoriale chez Art Global qui publiait de très beaux livres d’art, des ouvrages d’histoire militaire canadienne et des biographies d’artistes.

Elle y a également collaboré à la création de cédéroms et de sites internet sur l’histoire de la Nouvelle-France. Christine se passionne particulièrement pour tout ce qui concerne la recherche historique et l’analyse des sources.

Qu’est-ce qui prime pour vous dans votre travail de révision ?

Un auteur écrit pour ses lecteurs. Il doit donc se mettre à leur place. Si on n’y prend pas garde, l’écriture peut quelquefois se perdre dans des méandres où le lecteur ne se retrouvera pas forcément. Il faut être attentif à son lecteur, ne pas lui compliquer les choses, ne jamais l’ennuyer et faire en sorte que la lecture reste un plaisir au travers de toutes les pages. Je suis là pour corriger les fautes bien sûr, mais aussi pour aider à clarifier le sens du texte, voir à la cohérence de l’histoire, proposer un registre de vocabulaire qui ne lasse jamais le lecteur et qui ne tombe pas dans le jargon.

Que dites-vous aux auteurs qui ont peur que le réviseur change leur texte ?

Que je ne touche presque jamais à leur style. C’est leur livre. Ils en sont l’auteur et l’éditeur. Mais on peut toujours le « peaufiner » un peu ce style. Par ailleurs, il m’arrive de proposer des réécritures de certains passages quand je l’estime nécessaire. C’est, de toute façon, l’auteur qui aura le dernier mot en acceptant ou en rejetant ma proposition. En général, la plupart de mes suggestions sont adoptées. Un travail de révision c’est aussi une collaboration. Il en ressort toujours quelque chose de positif pour l’auteur. Et mon but n’est pas d’imposer ma propre vision.

Pour être plus claire, la reformulation, c’est souvent d’éviter les répétitions, de simplifier certaines tournures de phrase pour que le texte reste le plus fluide possible. Dans une scène, il faut par exemple une progression, suggérer plutôt que de décrire, traduire des émotions, des sensations pour aider le lecteur à se construire une bonne représentation. Suivant les scènes, il y a des styles qui sont plus ou moins adaptés. Par exemple, si vous décrivez une bataille, je vous suggérerais d’utiliser des phrases courtes et de toujours rester cohérent en évitant l’exagération.

Avec tous ces manuscrits que vous révisez, quel constat faites-vous ?

La plupart des romans ou des nouvelles que je révise sont généralement bons, voire très bons pour certains. Et beaucoup d’auteurs ont l’imagination très fertile. Bien franchement, dans cette catégorie, il est rare que je doive vraiment reformuler. Dans ce cas, je pars plutôt à la chasse aux répétitions, aux lourdeurs, je vérifie la cohérence dans le déroulement de l’histoire, j’essaye de trouver le mot juste, etc.

C’est un peu plus compliqué quand il s’agit d’essais. Là, c’est le développement des idées qui peut pêcher un peu, des démonstrations qui tournent en rond, des explications un peu alambiquées qui finissent par ne plus expliquer grand-chose. Je suis là pour aider l’auteur. Comme je l’ai dit plus haut, la révision ne se limite pas à corriger les fautes, loin de là. C’est aussi un partage d’expérience et même, osons le dire, une bonne formation, y compris pour moi. Je continue à en apprendre presque tous les jours sur la langue française !

Avez-vous un sujet de prédilection ?

Oui, c’est la vérification des sources, des références, la recherche. Je suis historienne de formation et ce travail de recherche me passionne. J’aime bien les essais parce que j’apprends en général beaucoup de choses grâce aux sources. Les sujets sont variés et les auteurs sont des gens enthousiastes et intéressants. Ils peuvent alors commettre des erreurs ou des maladresses ou manquer de recul. Je suis là pour leur éviter ce genre d’écueil. Je vais donc recouper les affirmations de l’auteur en faisant des recherches. Je vérifie toujours que les auteurs citent bien leurs sources et ne font pas non plus de plagiat, car ça arrive parfois.

Les auteurs sont souvent peu conscients de ce problème. Si vous citez un poème ou une chanson, il faut en donner les références. Dans un essai, on peut, par exemple, utiliser l’extrait d’un article, à condition d’en donner toujours les sources, y compris si c’est Wikipédia, car il y a des contributeurs qui font un travail incroyable et il faut respecter cela.

Avez-vous un dernier conseil à donner aux auteurs ?

De toujours laisser leur manuscrit reposer pendant un temps assez long. Je conseille de le faire au moins pour un mois, voire deux, c’est encore mieux. De le faire relire aussi par quelqu’un en qui ils ont confiance. J’ai un troisième conseil à leur donner, c’est de ne plus faire de changements à partir du moment où la révision est terminée, qu’ils l’ont acceptée et que le graphiste a fait le montage. Ça évite bien des problèmes.

Vous avez complété un manuscrit et vous êtes à la recherche d’un service de révision linguistique ?

Découvrez notre offre et faites une demande de soumission !