
Toute ma jeunesse on m’a raconté l’histoire de mes ancêtres des deux côtés de l’Atlantique. De l’arrière-grand-père congolais face aux colons belges, en passant par ma grand-mère québécoise refusée chez les religieuses pour des raisons de santé. Une multitude d’histoires qui alimentait ma jeune plume d’écrivaine. Quelques concours littéraires remportés durant ma jeunesse ont nourri l’espoir d’un jour être « auteure en dédicace » dans un Salon du livre.
Les années passent, les passions entrent malheureusement en dormance sous le poids des responsabilités familiales. Puis un jour, je reçois de la part de mes grands-parents maternels un « testament spirituel »; un livre modeste à couverture souple relatant leurs jeunesses respectives, leur rencontre, les choix déchirants auxquels ils ont dû faire face ainsi que l’arrivée de chacun de leurs onze enfants. Le tout agrémenté de photos familiales et d’oeuvres d’art de ma grand-mère, peintre et artiste florale. « Puisque nous n’avons pas d’argent, nous vous laissons en héritage notre humble et unique richesse; notre histoire familiale, vos racines. »
Émue et profondément marquée par ce geste, ce cadeau inestimable, je trouvais nécessaire que chaque personne connaisse les grandes lignes de son histoire familiale. Ainsi, non seulement l’identité de chacun aurait du sens mais il y aurait plus de compréhension et de respect envers nos aînés. Donc moins de solitude, plus d’échanges. Des aînés qui se sentiraient utiles de partager leurs expériences.
Moi qui adore me faire raconter des histoires j’entrepris d’interviewer des aînés un à un puis de retranscrire nos échanges. Les rencontres étaient riches mais ô combien ardues et fastidieuses à retranscrire dans un délai raisonnable!
Puis la maladie me força à garder le lit pendant plusieurs mois. Pour passer le temps je lus un nombre considérable de livres au sujet du féminisme, de l’Histoire des femmes, de l’Histoire du Québec en général et de la situation des aînés au Québec. Je devais trouver une façon, un outil pour redonner la parole, donner une tribune aux femmes d’ici (en particulier aux 50 ans et plus) pour qu’elles se racontent, qu’elles transmettent leur vécu à leurs proches. Comment ont-elles vécu leur premier vote? Comment ont-elles assumé la décision d’avoir ou non des enfants? Bref, je voulais qu’elles ravivent des souvenirs enfouis, qu’elles réalisent l’unicité de leur existence et surtout qu’elles partagent et lèguent leur histoire forgée par l’Histoire ainsi que les petits et grands événements de la vie.
La rédaction des questions de « Chroniques d’une femme en or; votre histoire » s’est faite naturellement, de mars à mai 2015. Les sujets et les questions coulaient de source. Je pensais aux femmes de mon entourage, mère, grand-mère, tantes, collègues, voisines…Tant de questions à leur poser pendant qu’elles sont encore en vie! Après l’ébauche du livre, j’ai demandé à une dizaine de femmes entre 50 et 70 ans de lire et commenter mon travail. Enthousiastes, enchantées et emballées elles se sont prêtées à l’exercice et m’ont gratifiée de conseils et de commentaires fort constructifs et pertinents.
Puis j’ai fait appel à un ami correcteur puis une amie graphiste. Dans l’intérim j’ai approché quelques maisons d’édition surtout à caractère féministe. Deux refus et plusieurs lettres mortes plus tard, je n’avais pas la patience d’attendre indéfiniment d’être prise en charge par une maison d’édition. De plus, avec tout le coeur que j’avais mis à l’ouvrage, je n’arrivais pas à concevoir que je devrais remettre un pourcentage à l’éditeur, au distributeur, au libraire sans compter l’imprimeur, le relationniste etc. Allaient-ils défendre bec et ongles mon projet, mon « nouveau-né »? Étant issue de la culture D.I.Y. (« fais-le-toi-même ») et n’ayant pas un budget à tout casser, je voulais faire le maximum d’étapes moi-même. Je suis donc devenue auteure, conceptrice, distributrice, femme d’affaires, gestionnaire etc. Et comme je n’avais aucune idée de l’ampleur qu’un tel livre pourrait prendre, je ne pouvais pas risquer d’imprimer des centaines d’exemplaires qui s’accumuleraient chez-moi, invendus.
Je me suis donc naturellement tournée vers Bouquinbec. Même si j’étais néophyte avec un projet « particulier », j’ai été reçue, écoutée et conseillée avec le plus grand respect. J’ai eu droit à des suggestions de professionnels, du soutien et des encouragements. Et j’ai été particulièrement charmée par la visite de l’imprimerie ainsi que la possibilité, après approbation, de participer aux différents Salons du livre. J’étais de plus en plus près de mon rêve!
Après retouches, ajustements et quelques délais, j’ai reçu mon premier exemplaire 2 jours avant le Salon du livre de Montréal (auquel j’allais participer). Fébrile, émue et surtout fière d’avoir concrétisé ce projet de longue haleine. J’avais écrit un livre qui est un outil de transmission d’histoires.
Quelques semaines avant l’impression finale j’avais organisé une prévente pour m’aider à financer la production. J’avais ainsi une idée du nombre d’exemplaires à imprimer. Le livre s’est ensuite bien vendu au Salon du livre de Montréal, ce qui m’a donné le courage d’approcher une boutique cadeaux pour avoir un point de vente. Enchantée par le produit, la propriétaire en a acheté 10 sur le champ! Le bouche-à-oreille a fait son oeuvre puis la folie du Temps des Fêtes a amené une autre vague d’impression, qui s’est poursuivie jusqu’en janvier.
Durant la petite accalmie de février, j’ai approché quelques librairies et quelques revues avec en tête mon public cible. J’ai contacté diverses recherchistes d’émissions télé ainsi que quelques figures publiques populaires qui pourraient me prêter leurs voix. Après deux mois éreintants à tenter de faire parler de mon livre, à cogner à toutes les portes, diverses associations féministes et d’âge d’or ont accepté de parler du livre. Puis la revue « Bel âge » a été la première à faire paraître un article au grand public. Ce qui m’a aidée à approcher Renaud Bray qui eux m’ont passé une commande. Nouvelle vague d’impression!
À six semaines de la fête des Mères, j’ai demandé l’aide d’une équipe de relationnistes pour tenter de rejoindre un plus large public. Les médias furent réceptifs. Articles, chroniques, choix de la rédaction, suggestions cadeaux, bref ils furent nombreux à recommander « Chroniques d’une femme en or ». Ce fût le début d’une impressionnante vague de commandes aux quatre coins du Québec! Encore une fois, l’impression à la demande aura été un atout certain!
Au-delà de 1000 livres ont été vendus depuis novembre 2015. Je continue de compter sur le support, le soutien et les conseils de Bouquinbec. Je me pince à chaque jour de voir mon rêve continuer de se réaliser. L’expérience se poursuit et a engendré d’autres projets similaires qui verront le jour à l’automne 2016. Réaliser mon rêve d’écrire et de publier m’aura demandé patience et travail continu. Mais à force d’y croire et d’être conseillée par les bonnes personnes, le rêve s’est concrétisé naturellement.
Nancy Mbatika, auteure
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